Du service à la française au service à la russe
Ce que l’on appelle le service à la française remonte à la fin du Moyen Age et se pratique encore au 18ème siècle dans les milieux aristocratiques. Sa particularité réside dans l’effet d’abondance et de variété qu’il produit : tous les mets sont apportés en même temps sur la table (avec un service pour les potages, un autre pour la viande, les desserts…). Les convives se servent dans les plats disposés devant eux, selon les préséances sociales et leurs préférences. Varié, ce service présente néanmoins l’inconvénient de proposer des plats souvent froids. C’est l’ancêtre du « buffet ».
Le service à la russe se déroule suivant une organisation différente. Les plats sont apportés les uns après les autres aux convives. Tout le monde mange la même chose en même temps. Cette coutume s’impose progressivement à partir du milieu du 19ème siècle entraînant un changement dans la manière de dresser la table. Dans les milieux aisés, les assiettes et les couverts se multiplient en fonction du nombre de plats qui seront servis. Les assiettes sont empilées les unes sur les autres et sont encadrées, à droite et à gauche, par des séries de couteaux et de fourchettes. La place et l’espace intime du mangeur sont ainsi clairement délimités.
Les arts de la table
« Si ce sont des invités, là on met vraiment les p’tits plats dans les grands, en sortant un service plus sophistiqué, plus raffiné. »
Dalila, étudiante, 24 ans (2013).Les repas sont un moment important de la vie sociale. C’est l’occasion de déployer toute une mise en scène raffinée.
Avec l’adoption du service à la russe au 19ème siècle, la valorisation de la table ne passe plus par l’abondance des plats, mais par la vaisselle et les décorations. On recherche la blancheur de la porcelaine, l’éclat du cristal ou du verre et le miroitement de l’argenterie. Le centre de la table, jadis occupé par une profusion de mets, accueille une décoration, le « milieu de table », composée de dentelles, de pièces d’orfèvrerie et de fleurs.
Ces objets, réservés autrefois aux milieux les plus aisés, sont rendus accessibles au 19ème siècle aux classes moyennes grâce à l’industrialisation des arts de la table : porcelaine, cristallerie, verrerie et argenterie. Ce « mode de vie bourgeois » se diffuse rapidement par la presse et les catalogues de vente dans l’ensemble de la France.
Depuis les années 1950, les arts de la table sortent peu à peu du secteur du luxe pour s’adapter à l’émergence d’un nouvel art de vivre. Ils sont de plus concurrencés par le bon marché et le jetable, qui permettent de renouveler la table au gré des envies.