Sous l’influence des médecins et des hygiénistes, les produits de consommation courante tels que les produits laitiers, la viande de boucherie et la farine sont mis sous haute surveillance.
Hygiénisme alimentaire ou comment améliorer la qualité des produits : le cas du lait
La consommation de lait cru augmente fortement dans les villes pendant l’ère industrielle. L’absence de système de réfrigération et surtout l’abus de certains marchands peu scrupuleux rend la consommation de lait particulièrement néfaste pour la santé. Pour maximiser les profits, le lait peut être écrémé, « mouillé » -c’est à dire coupé avec de l’eau- ou additionné de substances plus ou moins dangereuses comme la craie.
« […] Est-ce du lait qui se vend à Tourcoing ? Non ! Ce qui se débite comme lait n’a plus, pour ainsi dire, de cette denrée que le nom. Tous les principes qui en constituent la base élémentaire lui ont été soustraits en grande partie ».
Gustave Dron, discours à l’Hôtel de ville devant des agriculteurs et marchands de lait, le 24 février 1901.En 1902, Gustave Dron, maire de Tourcoing, crée la ferme de la Bourgogne, un établissement modèle de lutte contre la mortalité infantile, en activité jusqu’en 1953. A sa création, cet établissement produit 700 litres de lait par jour dans des conditions d’hygiène très contrôlées. La pasteurisation du lait n’est devenue légalement obligatoire en France qu’à partir de 1935. Après la guerre, la consommation de lait double, tandis que la production et la distribution deviennent le fait des grandes marques.
Développement de la science alimentaire et de l’agro-industrie
La science alimentaire qui se développe à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle est présentée comme une réponse à la famine et à la « dégénérescence de la population ». « La question sociale est une question d’estomac » déclare le professeur Landouzy au 1er Congrès international d’hygiène alimentaire en 1906.
Les produits de substitution
L’agro-industrie permet de produire plus vite, en plus grande quantité et à bas prix des produits qui se veulent « nourrissants » et « sains ». Ainsi, les industriels élaborent des concentrés et des extraits de viande, aliments économiques aux vertus nutritives « exceptionnellement réparatrices » si on en croit les publicités pour les tablettes Liebig créées en 1856. En 1866, l’entreprise Nestlé met au point la farine lactée pour les enfants ne pouvant être nourris au lait maternel.Conserves et produits transformés
Les premières conserves sont mises sur le marché au début du 19ème siècle mais restent des produits onéreux et suscitent la méfiance. En 1890, une boîte de petits pois vaut encore 1 franc 50, soit le salaire de 15 heures de travail pour une ouvrière. Il faut attendre les années 1950 pour que la consommation de produits transformés se démocratise. Biscottes, biscuits, pâtisseries, confitures et conserves industriels entrent alors dans la consommation quotidienne des ménages. De nouveaux modes de conditionnement et de nouvelles techniques de conservation, comme le surgelé et le sous-vide, simplifient la fabrication du repas. Ils sont adaptés à de nouveaux modes de consommation.Le retour aux produits locaux
La production industrialisée et l’allongement des circuits de distribution suscitent des interrogations sur la traçabilité des produits et leur transformation. A la fin du 19ème siècle, des voix s’élèvent déjà pour dénoncer le caractère falsifié de certaines denrées sous prétexte d’une production à moindre coût : « tout est faux, tout est feint, tout est fabriqué, imité, sophistiqué, adultéré et nous sommes en un mot tous empoisonnés par tous les Borgias de notre industrie trop savante. » Albert Robida, La vie électrique : le vingtième siècle, 1890.Aujourd’hui, la recherche de la qualité, de l’authenticité et du goût est mise en avant par les messages publicitaires. Dans la région, où l’industrie agroalimentaire représente le premier chiffre d’affaire du secteur industriel, la renaissance de petites entreprises artisanales élaborant des produits du terroir est encouragée. Elles sont protégées par le Label Rouge créé en 1973 et le label régional Saveurs en’Or.
Une attention particulière est portée sur le retour de « l’agriculture en ville » : le développement des jardins familiaux et communautaires, héritiers des jardins ouvriers, devient une alternative à l’approvisionnement industriel.