Un espace fermé
Dans la maison bourgeoise, la cuisine est le domaine réservé des domestiques, dans lequel la maîtresse de maison s’aventure peu. Cette pièce close est mise à l’écart dans l’habitation, parfois reléguée au sous-sol. Son emplacement doit être éloigné de la salle à manger pour ne pas incommoder les convives avec les odeurs et les bruits de préparation du repas. La circulation des domestiques entre les deux espaces s’effectue par un couloir ou un escalier de service. Il peut exister également une pièce de transition, l’office, qui est un petit local servant à la préparation du service et au rangement de la vaisselle.
La bourgeoisie distingue ainsi deux espaces aux fonctions propres, la cuisine et la salle à manger. Celle-ci devient le lieu privilégié de la vie familiale. Les classes modestes qui peuvent se le permettre adoptent cette configuration à la fin du 19ème siècle.
Un espace ouvert
A contrario, la cuisine du logement ouvrier se trouve dans la pièce principale où tout se fait : le repas, la toilette et le repos. Faute de place, elle est parfois réduite au minimum, se composant d’un petit poêle ou d'un réchaud qui sert à cuisiner comme à chauffer. Les moyens de cuisson sont limités, le mobilier est rudimentaire et l’espace de rangement est réduit. Les conditions des logements populaires sont souvent inconfortables et précaires pour la préparation du repas.
Cuisines sous surveillance hygiénique
Qu'elle soit bourgeoise ou ouvrière, la cuisine jouit d’une mauvaise popularité au 19ème siècle. Elle est alors perçue comme la pièce la plus sale de la maison que les architectes et les hygiénistes se font un devoir d’assainir.
« Il n’existe plus aujourd’hui dans les habitations qu’un seul lieu d’insalubrité, c’est la cuisine ».
Docteur J. A. Martin, 1899.En effet, la préparation du repas est alors une activité salissante qui génère vapeurs, fumées, déchets et résidus poisseux. Sans compter qu’au 19ème siècle, les appareils de cuisson fonctionnent majoritairement au charbon, la suie est donc une gêne quotidienne.
A la fin du 19ème siècle, la cuisine du logement ouvrier devient le terrain d’expérimentation des nouveaux principes de salubrité. Réservés aux ouvriers et aux petits employés, des nouveaux logements sont peu à peu construits. Ils incluent des équipements innovants pour la cuisine comme le vide-ordure sur le palier et l’eau courante, avant même que ceux-ci ne se généralisent auprès des classes aisées. Le besoin de modernisation de la cuisine se fait moins pressant dans ces milieux, tant que les domestiques assurent la préparation et le service du repas. Ce n’est que plus tard, avec la crise de la domesticité, que la cuisine devient sophistiquée dans les familles aisées.
Aujourd’hui, le statut de la cuisine a changé avec l’évolution des modes de vie et les progrès techniques. La cuisine est de plus en plus une pièce à vivre, parfois ouverte sur le séjour.