Gérard Capart, arrière-petit-fils de Victor Capart, et sa cousine Eva Gobert ont constitué un fonds documentaire à la mémoire de leur ancêtre qu’ils ont offert au Centre d’histoire locale de Tourcoing en 2005. Celui-ci est composé de trois almanachs de chansons datés des années 1897 à 1899, de 3 recueils de chansons non datés, de feuilles imprimées volantes imprimées et d’une photo de mariage.
Ce fonds a été étudié par l’historien-doctorant Sébastien Dhalluin, et valorisé dans une récente exposition réalisée à la Maison des Associations par l’association Emile Liénard Pour la Sauvegarde du patrimoine ouvrier de Tourcoing et environs.
L’œuvre de Victor Capart constitue un précieux témoignage de la société de son époque : découvrez une sélection de ses chansons en parcourant la photothèque.
Victor-Joseph Capart naît à Tourcoing le 11 octobre 1839, sous la Monarchie de Juillet, alors que la ville de Tourcoing entre dans la révolution industrielle. La pauvreté de ses parents ouvriers d’origine belge le contraint à quitter très tôt l’école des Frères pour aller travailler comme tisserand. Le 05 février 1866, il épouse Clémence Dubois, elle aussi ouvrière dans la filière du lin, fille d’un fileur et d’une journalière. Elle lui donnera onze enfants.
Contremaître dans une entreprise de tissage, il est licencié et inscrit à l’encre rouge sur le registre du travail pour avoir demandé une augmentation pour lui et ses compagnons. Il exerce alors des petits métiers indépendants et se met à écrire des chansons sur le quotidien des ouvriers tourquennois.
Le 10 juin 1877, il est obligé de s’exiler en Belgique. En effet, ses chansons plus offensives – il pense pouvoir être libre sous la République – lui valent d’être condamné à plusieurs mois de prison. Il s'enfuit de l'autre côté de la frontière et ouvre un estaminet à Mouscron, dans le quartier du Mont-à-Leux. De nombreuses réunions socialistes s’y tiennent, en présence de Jules Guesde ou d’Edouard Anseele, l’un des fondateurs du Parti Ouvrier Belge. 200 personnes s’y réunissent en 1875, plus de 500 en 1880. C’est à cette période que, poussé par la misère ou piégé par la police française, il accepte, contre 50 francs par mois et la possibilité de revenir en France, de devenir indicateur pour le commissaire central de Tourcoing, François Rembauville. Jusqu'en 1884, Victor Capart donne des renseignements sur les meetings socialistes qui se tiennent soit au Mont-à-Leux soit dans l’estaminet d’Henri Carette à Roubaix.
De retour en France en 1881, peut-être favorisé par l’élection à la mairie du républicain Victor Hassebroucq (10 avril 1881), il continue sa carrière de chansonnier engagé, et essaie d’imprimer une revue La Brouette qui ne durera qu’une année (1884).
En 1889, il se présente aux élections législatives pour le parti socialiste avec Joseph Volt, autre candidat ouvrier : à eux deux ils récolteront 18 voix. C’est finalement Gustave Dron qui remporte les élections contre le conservateur Barrois. On raconte que Capart rencontrant Dron entre les deux tours aurait dit : « j’voterai pour ti mais je n’te donne pas l’main ». Aux élections municipales de mai 1892, Victor Capart figure sur une liste socialiste qui obtient 800 voix.
En 1901, il crée la Solidarité Ouvrière, boulangerie coopérative socialiste rue de Menin dont il devient le vice président. Cette boulangerie acquiert en 1905 un terrain sur lequel elle fait construire une Maison du Peuple inaugurée le 11 avril 1909, sans la présence de son fondateur, décédé le 18 mai 1908. Très estimé, il a droit à de grandioses funérailles.
Sur sa tombe est inscrit l'épitaphe suivante :
Ici repose le corps
du citoyen
Victor Capart
Chansonnier populaire
Membre de la section
De la Libre Pensée
Il fut partisan
Convaincu
De la République
Sociale
Honorons sa mémoire
Aujourd'hui, une rue porte son nom dans le quartier de l’Egalité-Malcense.
Sources :
Sébastien Dhalluin, VICTOR CAPART, LE CHANSONNIER AUX DEUX VISAGES (1839-1908), Association Revue du Nord | « Revue du Nord »
2012/2 n° 395 | pages 473 à 502, ISSN 0035-2624
Article disponible en ligne à l'adresse :
https://www.cairn.info/revue-du-nord-2012-2-page-473.htm
J. AMEYE, « Un chansonnier populaire : Victor Capart », partie II, dans Nord Éclair (éd.Tourcoing), Les Broutteux n° 26, 20 et 21 janvier 1980.
J.MAITRON, Article Capart, dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Paris, Éditions de l’Atelier-Éditions Ouvrières, volume 11, 1973, p. 123-124.
L. MARTY, Chanter pour survivre, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 67.