Tiroux inspirant Brûle-Maison

Le contexte
Brûle-Maison, « la Terreur des Tourquennois  et le Délice des Lillois »
Brûle-Maison, de son vrai nom François Cottignies (1678-1740), est un chansonnier lillois de langue picarde, connu pour son habilité à décrire d’une verve caustique les travers de ses contemporains. Homme de lettres mais aussi de spectacle, il se plaisait à faire entendre sur la place publique ses poèmes et ses chansons.
Les habitants de Tourcoing faisaient partie de ses cibles préférées au grand plaisir des Lillois. Longtemps, d’ailleurs, le dessin de Van Blarenberghe a été interprété comme un Tourquennois venant se plaindre auprès de Brûle-Maison. En réalité, la signification de la scène est toute autre. A l’origine de l’œuvre se trouve une anecdote qui a dû faire le tour de la ville de Lille et de ses environs.

L’origine de l’œuvre : une querelle d’estaminet
Dans les années 1730, Van Blarenberghe et Brûle-Maison fréquentent un estaminet situé Grand Place à Lille, où se réunissent habituellement des libraires, des écrivains et des peintres. Parmi eux se trouve Joseph Tiroux, un poète tombé dans la boisson et la misère. Peu après la mort de ce dernier, Brûle-Maison se moque ouvertement du personnage. Prétextant que le fantôme de Tiroux lui est apparu, il critique vivement son talent et sa carrière littéraire.
Certains membres de l’estaminet prennent alors la défense de Tiroux. Ils font éditer des poèmes illustrés par le dessin de Van Blarenberghe. Texte et image s’associent pour ridiculiser le chansonnier Brûle-Maison et l’accuser de plagiat de l’œuvre de Tiroux.

L’œuvre
« Un railleur raillé »
Le comique de la représentation repose sur un jeu de décalages et de renversement de valeurs. Van Blarenberghe montre Brûle-Maison, bourgeois aisé, dans une chambre au mobilier sommaire. Les attributs du chansonnier gisent à terre, en désordre : une sacoche pleine de feuilles imprimées, des affiches et une pique servant à les suspendre dans la rue. En guise de trophée, un pot de chambre est posé sur un coffre qui renferme, on le présume, ses textes. Il s’agit là d’une allusion à son œuvre littéraire écrite en patois, langue considérée comme vulgaire. Comble de l’ironie, c’est le fantôme de Tiroux, en guenilles, qui vient dicter à Brûle-Maison ses vers! Cette image détourne les traditionnelles représentations de saints apparaissant au fidèle ou encore de la muse inspirant le poète.

L’influence des chansonniers lillois dans l’œuvre de Van Blarenberghe
Jacques-Guillaume Van Blarenberghe appartient à une dynastie de peintres lillois qui ont acquis leur renom tant par la précision de leurs pinceaux que par l’acuité de leur regard porté sur leurs contemporains. Ces « reporteurs du 18ème siècle », empreints de l’art flamand, captent avec réalisme la vie quotidienne qui les entoure.
Le portrait satirique de Brûle-Maison tient une place à part dans l’œuvre du peintre. Il est révélateur des liens qu’entretient Jacques-Guillaume Van Blarenberghe avec les chansonniers lillois. Le peintre puise à leurs contacts le goût de la vie joyeuse des foires, des théâtres et des saltimbanques, trait caractéristique de sa peinture.

Bibliographie

CARTON (François), « Les portraits de Brûle-Maison », Revue du Nord, n°319, Lille, 1997, p. 93-99.

MAILLET-CHASSAGNE (Monique), Une dynastie de peintres lillois, les Van Blarenberghe, Paris 2001.

MEJANES (Jean-François) (dir.), Van Blarenberghe, des reporters du XVIIIème siècle, Editions Musée du Louvre, Paris, 2006.