Alfred Desplanques (1853-1930) surnommé le Broutteux de la peinture par le poète Jules Watteeuw est l’auteur de scènes de genre particulièrement appréciées à son époque : ses contemporains soulignent l’habileté de son pinceau, une palette franche et variée, mais s’attardent surtout sur la sincérité de ses tableaux qui témoigne d’une grande sensibilité aux détails, à la manière des peintres flamands et hollandais du 17e siècle.
Alfred Desplanques (1853-1930)
La trajectoire d’Alfred Desplanques présente des similitudes avec la carrière du peintre roubaisien Rémy Cogghe. Tous deux sont issus d’un milieu modeste – les parents de Desplanques tiennent un estaminet dans le centre-ville de Tourcoing – remarqués par des notables locaux qui leur permettent d’étudier la peinture et d’approfondir leur formation à Paris. Desplanques, après un enseignement à l’école académique des Beaux-arts de Tourcoing récompensé par deux médailles, obtient ainsi à trente ans une bourse de la ville qui lui permet pendant trois ans de suivre au sein de l’atelier de Carolus Duran les travaux de Jean-Joseph Weerts et Auguste-Eugène Delescluse et de copier à l’envie les toiles de maîtres au musée du Louvre. Sa véritable école, ce sont les peintres flamands et néerlandais : Brueghel l’Ancien, David Teniers, Adriaen van Ostade, Adriaen Brouwer, Johannes Veermer. A. Desplanques de retour dans le Nord, semble ne plus quitter la région : seul un séjour à Aelebecke, petit village entre Mouscron et Courtrai, est relaté dans la presse comme une source d’inspiration des nombreuses scènes de genre à venir.
Le succès des toiles du peintre ne s’est jamais démenti tout au long de sa carrière, aussi bien auprès du grand public qu’au sein des institutions dont il fut un membre actif sur le plan local. Plusieurs fois récompensé par des médailles d’or et d’argent dans la région et dans des salons provinciaux, il reçut les palmes académiques en 1907 et fut fait officier de l’instruction publique en 1922. Il exprima une reconnaissance profonde pour sa ville qui l’honora par l’exposition d’une partie de son œuvre en 1931 et donna son nom à une rue en 1932. Sa mort suscita des hommages unanimes dans la presse locale : c’est un « grand artiste tourquennois » qui a honoré « le nom de la petite patrie » et « traduit l’âme du peuple »[1] qui disparaît, mais aussi un homme de cœur membre de plusieurs sociétés charitables de la ville, une personnalité simple et accessible. Son ami, le poète patoisant Jules Watteeuw[2] aimait à rappeler leur connivence artistique, et J.-E Van den Driessche, érudit et historien local, n’a pas hésiter à associer le nom de Desplanques à des peintres originaires du Nord dont la renommée dépasse le plan local : Carolus Duran, Jean-Joseph Weerts et Rémy Cogghe.
L'oeuvre d'Alfred Desplanques
L’œuvre de Desplanques, comme celle de son homologue roubaisien Rémy Cogghe, ignore les réalités du travail industriel de son époque : aucune évocation des ateliers et des usines, des courées, des transformations urbaines, mais une représentation minutieuse d’intérieurs populaires animés par des scènes domestiques de la vie quotidienne (travaux de couture, mise en conserve ou épluchage d’oignons, astiquage des cuivres, repas) ou des artisans au travail (horloger, sabotier, boulanger).
L’atmosphère des toiles d'A. Desplanques est contemplative, comme si le temps y était suspendu. Lorsqu’ils ne sont pas absorbés dans leurs tâches ou leurs conversations, ses personnages sont perdus dans leurs rêveries, parfois dos au spectateur qui a alors le sentiment privilégié de pénétrer une intimité faite de douceur et de sérénité et d’assister à des instants volés. Le regard du peintre sur ses personnages, exempt d’analyse sociale, jamais ironique ou vaudevillesque comme peut l’être parfois celui de R. Cogghe, n’est pas tant celui d’un iconographe, témoin des mœurs populaires de son temps, que celui d’un portraitiste sensible. Ses contemporains l’ont bien compris, qui le qualifiaient tout simplement de « peintre de caractères ».
La partie de cartes (1908)
La partie de cartes est autant une scène de genre qu’une galerie de portraits dont les protagonistes ont d'ailleurs tous pu être identifiés. Sa composition est proche de celle intitulée Derniers bonheurs, premier tableau envoyé au Salon des Artistes français en 1889, offert à la ville de Tourcoing par l’artiste et conservé au MUba. On peut donc supposer que la scène se déroule également dans le quartier des vieillards de l’Hospice de Tourcoing, et plus exactement dans le fumoir nouvellement construit. Si la scène est habilement observée dans les deux tableaux, elle est davantage scénarisée et travaillée dans celui de 1908 : cadrage plus resserré, composition de l’espace soulignée par des lignes de fuite très marquées, expressivité des physionomies modelées par le faisceau de lumière provenant de la droite qui guident l’œil vers le jeu des mains des protagonistes et en particulier vers le joueur à gauche qui s’apprête à abattre sa carte.
[1] INCONNU, « Le célèbre peintre tourquennois, A. Desplanques, est mort », in Tourcoing,1930.
[2] Jules Watteeuw (1849-1947) écrit : « si Alfred étot surnommé Broutteux d’la peinture, ch’est qu’nous avîmes les mêmes goûts ; li comme peintre, mi comme poète. Li au moyen d’ain pinceau y a sus l’toile, dépeind avec talent les souvenirs de sin pays. Mi, avec que m’pleume, je n’dai continué les traditions. » in Le coin du Broutteux, [novembre 1930]. Cette expression du « Broutteux de la peinture » est donnée à Desplanques dès le début du siècle.
Voir également dans les collections Les crêpes.
Source
Nathalie Gerber, Alfred Desplanques, le Broutteux de la peinture in Par les villes et les champs, regards d’artistes sur la vie quotidienne dans le Nord 1890-1950, catalogue d'exposition, Musée de la tour abbatiale de Saint-Amand-les-Eaux, 2016.
Alfred Desplanques (1853-1930)
La trajectoire d’Alfred Desplanques présente des similitudes avec la carrière du peintre roubaisien Rémy Cogghe. Tous deux sont issus d’un milieu modeste – les parents de Desplanques tiennent un estaminet dans le centre-ville de Tourcoing – remarqués par des notables locaux qui leur permettent d’étudier la peinture et d’approfondir leur formation à Paris. Desplanques, après un enseignement à l’école académique des Beaux-arts de Tourcoing récompensé par deux médailles, obtient ainsi à trente ans une bourse de la ville qui lui permet pendant trois ans de suivre au sein de l’atelier de Carolus Duran les travaux de Jean-Joseph Weerts et Auguste-Eugène Delescluse et de copier à l’envie les toiles de maîtres au musée du Louvre. Sa véritable école, ce sont les peintres flamands et néerlandais : Brueghel l’Ancien, David Teniers, Adriaen van Ostade, Adriaen Brouwer, Johannes Veermer. A. Desplanques de retour dans le Nord, semble ne plus quitter la région : seul un séjour à Aelebecke, petit village entre Mouscron et Courtrai, est relaté dans la presse comme une source d’inspiration des nombreuses scènes de genre à venir.
Le succès des toiles du peintre ne s’est jamais démenti tout au long de sa carrière, aussi bien auprès du grand public qu’au sein des institutions dont il fut un membre actif sur le plan local. Plusieurs fois récompensé par des médailles d’or et d’argent dans la région et dans des salons provinciaux, il reçut les palmes académiques en 1907 et fut fait officier de l’instruction publique en 1922. Il exprima une reconnaissance profonde pour sa ville qui l’honora par l’exposition d’une partie de son œuvre en 1931 et donna son nom à une rue en 1932. Sa mort suscita des hommages unanimes dans la presse locale : c’est un « grand artiste tourquennois » qui a honoré « le nom de la petite patrie » et « traduit l’âme du peuple »[1] qui disparaît, mais aussi un homme de cœur membre de plusieurs sociétés charitables de la ville, une personnalité simple et accessible. Son ami, le poète patoisant Jules Watteeuw[2] aimait à rappeler leur connivence artistique, et J.-E Van den Driessche, érudit et historien local, n’a pas hésiter à associer le nom de Desplanques à des peintres originaires du Nord dont la renommée dépasse le plan local : Carolus Duran, Jean-Joseph Weerts et Rémy Cogghe.
L'oeuvre d'Alfred Desplanques
L’œuvre de Desplanques, comme celle de son homologue roubaisien Rémy Cogghe, ignore les réalités du travail industriel de son époque : aucune évocation des ateliers et des usines, des courées, des transformations urbaines, mais une représentation minutieuse d’intérieurs populaires animés par des scènes domestiques de la vie quotidienne (travaux de couture, mise en conserve ou épluchage d’oignons, astiquage des cuivres, repas) ou des artisans au travail (horloger, sabotier, boulanger).
L’atmosphère des toiles d'A. Desplanques est contemplative, comme si le temps y était suspendu. Lorsqu’ils ne sont pas absorbés dans leurs tâches ou leurs conversations, ses personnages sont perdus dans leurs rêveries, parfois dos au spectateur qui a alors le sentiment privilégié de pénétrer une intimité faite de douceur et de sérénité et d’assister à des instants volés. Le regard du peintre sur ses personnages, exempt d’analyse sociale, jamais ironique ou vaudevillesque comme peut l’être parfois celui de R. Cogghe, n’est pas tant celui d’un iconographe, témoin des mœurs populaires de son temps, que celui d’un portraitiste sensible. Ses contemporains l’ont bien compris, qui le qualifiaient tout simplement de « peintre de caractères ».
La partie de cartes (1908)
La partie de cartes est autant une scène de genre qu’une galerie de portraits dont les protagonistes ont d'ailleurs tous pu être identifiés. Sa composition est proche de celle intitulée Derniers bonheurs, premier tableau envoyé au Salon des Artistes français en 1889, offert à la ville de Tourcoing par l’artiste et conservé au MUba. On peut donc supposer que la scène se déroule également dans le quartier des vieillards de l’Hospice de Tourcoing, et plus exactement dans le fumoir nouvellement construit. Si la scène est habilement observée dans les deux tableaux, elle est davantage scénarisée et travaillée dans celui de 1908 : cadrage plus resserré, composition de l’espace soulignée par des lignes de fuite très marquées, expressivité des physionomies modelées par le faisceau de lumière provenant de la droite qui guident l’œil vers le jeu des mains des protagonistes et en particulier vers le joueur à gauche qui s’apprête à abattre sa carte.
[1] INCONNU, « Le célèbre peintre tourquennois, A. Desplanques, est mort », in Tourcoing,1930.
[2] Jules Watteeuw (1849-1947) écrit : « si Alfred étot surnommé Broutteux d’la peinture, ch’est qu’nous avîmes les mêmes goûts ; li comme peintre, mi comme poète. Li au moyen d’ain pinceau y a sus l’toile, dépeind avec talent les souvenirs de sin pays. Mi, avec que m’pleume, je n’dai continué les traditions. » in Le coin du Broutteux, [novembre 1930]. Cette expression du « Broutteux de la peinture » est donnée à Desplanques dès le début du siècle.
Voir également dans les collections Les crêpes.
Source
Nathalie Gerber, Alfred Desplanques, le Broutteux de la peinture in Par les villes et les champs, regards d’artistes sur la vie quotidienne dans le Nord 1890-1950, catalogue d'exposition, Musée de la tour abbatiale de Saint-Amand-les-Eaux, 2016.